Carton rouge au terrorisme
(Par Ali Moussa Chaweye, Envoyé spécial de l’ANP)
Niamey, O2 Fév (ANP)- ‘’ Jeudi, 20 octobre 2011. Il était environ trois heures à Doro, une localité perdue quelque part dans le désert malien. Alors que sa population dort tranquillement quand retentissent des coups de feu. Soudain, arrive un groupe armé masqué de turban rouge.
Il tire dans tous les sens. La psychose gagne du terrain. Chacun cherche un refuge. Et dans cette débandade, « nombreux parmi nous ont trouvé la mort, perdu un bras ou un œil. » Un coordonnateur d’une ONG caritative, expatrié de son état, et confondu à un ‘’ toubab’’, est violenté et conduit à une destination inconnue. Les églises, les débits de boissons et autres lieux de loisirs sont détruits. Les femmes et les enfants ont, ce jour là, pleuré à chaudes larmes. Un calme précaire revient le lendemain à Doro, complètement assiégée. Ses habitants sont regroupés sur la place publique pour entendre le message des ‘’nouveaux maitres des lieux’’. Ils s’adressent à eux en ces termes :’’nous sommes-là pour le djihad. Vous vivez dans un monde de mécréants. Sacrifiez-vous à nos cotés, vous défendez une cause juste. A partir de cet instant, les femmes doivent porter la ‘’ bourga’’ ou si vous préférez le ‘’ hijab’’.Et quiconque commettra un vol ou l’adultère, verra son bras ou sa jambe coupée. Pas de jeu de cartes, d’alcool, de football encore moins de surprise-partie et de concours de beauté. L’heure est à la reconversion des mentalités conformément aux prescriptions du Saint Coran’’. C’est à cette sauce que ces hommes en turban, au nom d’une certaine idéologique islamiste, ont voulu nous manger, n’eut été la prompte réaction du Pouvoir central, qui a mis l’Armée à leurs trousses. En tout cas, l’islam que nous connaissons et que nous avons toujours pratiqué ici à Doro, ne viole pas la liberté de culte et de religion, ne fait pas aussi de distinction entre Noirs et Blancs, mais prône simplement la tolérance, le dialogue et la paix’’.
Rassurez-vous, ce n’est ni un conte de fée, ni un montage. Il s’agit de témoignage d’un homme qui a vu la barbarie vouloir s’instaurer chez lui. Il s’est confié à nous au hasard d’un rencontre à l’occasion d’un atelier régional sur ‘’ les menaces terroristes au Sahel et les moyens d’y faire face’’ tenu du 25 au 30 janvier 2015 à Bamako, au Mali.
Ce témoignage, du reste pathétique, pose la problématique de l’insécurité qui devient de plus en plus une véritable source de préoccupation pour les pouvoirs publics dans nos pays.
Et sur ce point, le ministre malien de la Sécurité et de la Protection civile, Général Sada Samaké, a été clair : ‘’ le Sahel est aujourd’hui, confronté à des défis significatifs de sécurité qui rendent l’ensemble de la bande sahélo-saharienne vulnérable au terrorisme’’.
Les ‘’ combattants de ces extrémistes religieux, selon un magistrat malien, sont sélectionnés et recrutés par des entités telles que l’Etat islamique d’Irak et du Levant, le Front EL Nostras et d’autres cellules ; émanation aux groupes dissidents d’Al-Qaïda’’.
En Afrique occidentale et au Sahel, fait remarquer M Mamadou Tidiane Dembélé, ‘’ de nombreux citoyens se sont rendus en Libye, en Cote d’ivoire et sur les lieux d’autres conflits pour y servir comme mercenaires. Apres la chute du guide libyen, et la fin de la crise en Cote d’ivoire, beaucoup de ces combattants sont retournés dans leur communauté d’origine. D’autres ont rejoint les rangs des groupes extrémistes violents dans la région sahélienne en particulier au Mali où on signale de manière croissante le recrutement d’enfants armés souvent en échange de sommes d’argent’’.
Selon M Dembélé, ‘’ l’Afrique de l’Ouest est vulnérable au terrorisme pour diverses raisons : instabilité politique, violences ethniques et communautaires, corruption endémique, pauvreté galopante, taux élevé de chômage et de sans emploi particulièrement chez les jeunes’’.
Alors question ! Comment lutter contre le terrorisme et la grande criminalité dans cette partie du monde notamment au Sahel ?
Pour gagner ensemble le pari, le Niger, la Mauritanie et le Mali, ont pris des mesures idoines, dont la création du Collège Sahélien de Sécurité (CSS) afin de renforcer les capacités des trois pays en matière de lutte et de favoriser une dynamique régionale sur le sujet.
‘’ En effet, seule une coopération interétatique dynamique est capable de contribuer à juguler le phénomène du terrorisme’’, a déclaré le ministre malien de la Sécurité dans un discours prononcé à l’ouverture du récent atelier de formation sur ‘’ les menaces terroristes’’ au Sahel.
Organisée sous l’égide du CSS avec le soutien de l’Union Européenne, la rencontre a regroupé dans la capitale malienne, des Forces de Défense et de Sécurité, des magistrats, des journalistes et des acteurs de la societe civile des pays cités plus haut.
Elle a porté notamment sur la législation nationale et internationale relatives au terrorisme, la vulgarisation des textes nationaux, internationaux et des Accords de coopération sur la même question. L’accent a été mis aussi sur le devoir de vigilance du citoyen, les principes élémentaires de l’état de droit, le rôle de chaque groupe social- y compris les femmes et les jeunes- dans l’édification d’une societe moderne et soucieuse de sa sécurité.
Le séminaire de Bamako, rappelle-t-on, fait suite à celui de Niamey tenu en 2014 sur le ‘’ blanchiment d’argent et le financement du terrorisme’’.
AMC/DMM/ANP/FEV 2015