Niger : cette vie de galère de ces employés des sociétés de transfert d’argent 

Niger : cette vie de galère de ces employés des sociétés de transfert d’argent 

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Niamey, 27 Jan (ANP)-Insécurité physique avec 3 assassinats, précarité salariale, insécurité sociale avec des licenciements abusifs et absence de cotisation sociale et assurance maladie, déficit de repos, cascades de procès, etc, les quelque 6000 employés des sociétés de transfert d’argent sont réduits à une vie de galère, en croire Abdoul Karim Nassirou Djibo, secrétaire général du syndicat    national des agents des sociétés de transfert d’Argent (Synastra – Niger).

Dans un entretien téléphonique avec l’ANP, le responsable syndical justifie la création de cette nouvelle structure par ‘’les conditions désolantes, chaotiques, inhumaines de vie et de travail des agents des sociétés de transfert d’argent du Niger.’’

 ‘’Nous sommes le plus souvent considérés comme des machines, des gens qui travaillent sans contrat en bonne et due forme. C’est-à-dire, on les recrute comme on veut, on les chasse quand on veut »,  documente M. Djibo, notant que « Les employés -là travaillent sans repos, c’est-à-dire sans week-end de travail, 7jours/7, sans aucune assurance maladie, et la plupart ne sont pas déclarés à la caisse [de sécurité sociale]  et donc, ils ne bénéficient pas de l’assistance de la caisse nationale de sécurité sociale ».

L’insuffisance de repos, les licenciements abusifs et le manque de l’assistance sociale sont les moindres souffrances pour ces agents qui  risquent carrément leur vie dans l’exercice de ce travail, fait observer le responsable syndical.

Le risque mortel

Ces travailleurs manient de liquidité ou transportent des fonds sans aucune mesure de sécurité adéquate, ce qui les expose aux risques d’agressions parfois mortelles,  fait savoir Abdoul Karim Nassirou Djibo.

« Au moins 3 personnes parmi nous ont été tuées dans l’exercice de leur travail. Il y a eu le cas à Niamey d’Illo Magagi qui était agent collecteur d’une société de la place, dont les médias en ont parlé. Il y a eu un autre cas d’assassinat à Agadez. Il y a aussi le cas le plus récent, celui de notre camarade Nana Aichatou de Tessaoua (Région de Maradi). Elle a été  retrouvée morte, égorgée  dans son guichet »,  détaille le secrétaire général de Synastra- Niger.

« Ce sont ces trois (3) cas qui nous ont été signalés. Parce qu’il y a eu des cas qui ne nous ont pas été signalés. Même le cas d’Agadez, c’est récemment qu’il a été signalé à la structure syndicale », s’indigne-t-il.

Le déni du risque de travail

Nassirou Djibo indexe les promoteurs du domaine qui semblent ne pas reconnaitre les risques liés au métier. Ils ne tolèrent pas la perte de leur argent par un quelconque agent, et ceci, quelles qu’en soient les circonstances de la perte de cet argent, charge-t-il.

« Récemment quand je suis allé à Agadez dans le cadre d’une tournée, j’ai eu la chair de poule d’apprendre que certains de nos camarades sont en prison pour des écarts de caisse », raconte-t-il.

En effet, continue le syndicaliste, « en cas de braquage, les promoteurs de ces sociétés demandent souvent aux agents victimes de rembourser l’argent volé, sauf en cas de mort. Et là aussi, c’est parce qu’ils ne peuvent pas demander à un mort de rembourser de cet argent ».

« Récemment à Agadez, une de nos camarades s’est faite agressée par des bandits armés qui ont emporté son sac contenant la somme de 500.000 francs de sa société qu’elle était partie récupérer de l’agence mère et son téléphone portable. Mais malgré son agression et la perte de son téléphone, son employeur a porté plainte contre elle exigeant le remboursement de la somme volée. Suite à cette plainte, la femme a passé 24/h au commissariat de police. Ella a été relâchée quand sa famille s’est engagée à rembourser l’argent. La famille était déjà à 275.000 francs quand notre syndicat a saisi le Procureur. Ce dernier s’est plaint du sort suivi par la femme avant de demander l’ouverture d’une enquête. Tout  cela montre à quel point nos militants sont maltraités », renseigne toujours Nassirou Djibo.

Le syndicat inquiété

Selon M. Djibo la création de leur cadre organisationnel est très mal vue par le patronat, qui use de ‘’tous les moyens’’ pour l’intimider.

« Après la création de ce syndicat en bonne et due forme, conformément à la réglementation en vigueur au Niger, conformément aux conventions de l’OIT [organisation mondiale du travail] ratifiées par le Niger, nous sommes affiliés à la centrale syndicale de la CNT (confédération nigérienne du travail).  Après tout ça, nous nous sommes dits que le linge sale se lave en famille, car nous nous considérons, en d’autres termes, comme formant une même famille avec les responsables de ces sociétés. Nous nous sommes dits qu’après la défense des intérêts matériels et moraux de nos militants, nous nous sommes donnés comme objectif de contribuer à faire de ces sociétés des sociétés de qualité, fiables et compétitives », fait-il savoir.

Après tout cela, explique le premier responsable du syndicat, « nous avons songé à déposer des demandes d’audience dans toutes les directions de sociétés de transfert d’argent en vue de s’assoir ensemble pour trouver des solutions aux problèmes auxquels nos militants font face. Malheureusement la création de cette structure a été mal vue par les promoteurs. Et ces audiences n’ont pas été accordées. Ensuite s’en est suivis des harcèlements, ce qu’on appelle ‘’chasse aux sorcières’’ des membres. Beaucoup des membres du bureau ont été licenciés, puis s’en est suivies des menaces de nous envoyer en prison…Nous avons été même à la PJ (police judiciaire) », indique M. Djibo.

« Il y a deux mois, nous étions au Tribunal de Grande Instance de Niamey pour un procès car ils ont attaqué la reconnaissance même du syndicat. Ils ont dit que le syndicat a été mal constitué », relate le responsable syndical.

« Mais depuis quand un employeur a un droit de regard sur [la constitution] d’un syndicat de travailleurs ? » s’interroge-t-il, avant d’indiquer « Pour nous, c’est un principe syndical : le travailleur n’a pas à s’interférer dans les affaires du syndicat du patronat, de même que le patronat n’a pas à s’ingérer dans les affaires du syndicat des travailleurs ».

« Ils ont eu une autre lecture de la création de ce syndicat. Le syndicat n’est ni un ennemi, ni un adversaire. Le syndicat est un partenaire, un collaborateur », souligne M. Djibo.

Car au-delà de  « la défense des intérêts matériels et moraux  de nos militants, nous nous sommes donnés comme objectif de contribuer à faire de ces sociétés des prestataires de qualité, fiables et compétitives », explique-t-il.

La structure que dirige Nassirou Djibo compte plusieurs milliers de militants, entre 6000 et 7000 membres, selon lui.

« Vous avez des sociétés qui ont plus de 2000 agents. Vous savez au Niger nous avons plusieurs sociétés de transfert d’argent, au moins six (6) sociétés », détaille-t-il.

Le Synastra-Niger travaille ces derniers jours sur son ancrage national. Les membres du directoire parcourent les différentes régions du pays pour y mettre en place les instances régionales.

« Nous sommes en train de faire une tournée nationale de mise en place des bureaux exécutifs régionaux de notre structure syndicale. Nous avons mis en place l’instance régionale de Niamey, et puis le Bureau exécutif d’Agadez,  ensuite Zinder et récemment nous avons mis en place pour Maradi. Il nous reste les Régions de Diffa, de Tahoua, de Dosso et de Tillabéri », informe-t-il, précisant que « La première instance régionale à être mise en place est celle de Niamey en novembre passé (2024).

Un secteur performant

Malgré les accusations qu’il porte contre les employeurs du secteur, le secrétaire général du Synastra- Niger ne nie pas les efforts fournis par ces derniers.

« Ces sociétés ont créé beaucoup d’emplois dans un pays où le taux de chômage est élevé. La création de l’emploi contribue au développement du pays. C’est une qualité qu’il faut leur reconnaitre », apprécie-t-il, ajoutant : « Il faut aussi noter que ces sociétés font un service d’intérêt public, rapide et fiable. Elles ont vraiment apporté une innovation qui facilite le quotidien de nos citoyens ».

Dans un pays vaste et sous bancarisé, ces services contribuent au développement socio-économique. 

MSB/CA/ANP 0138 Janvier 2025.

Contributeurs

Zarami Boulama
Webmaster


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