‘’ Je ne divorcerai pas, car j’aime ma femme’’ : une enquête de Mahamane Sabo Bachir

‘’ Je ne divorcerai pas, car j’aime ma femme’’ : une enquête de Mahamane Sabo Bachir

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Niamey, 26 Fév (ANP)-  Considéré comme une ultime solution aux crises des couples, le divorce (ou  la répudiation dans certains cas)  ouvre également   la porte à de nombreux problèmes chez les  anciens conjoints et même leurs progénitures.

 A Niamey, comme dans les autres localités du pays, les séparations des couples est un phénomène qui gagne du terrain. Les conséquences, surtout néfastes, de cette pratique sociale, se situent à plusieurs niveaux.

Au Niger, la question du divorce et de la répudiation est prise  en charge par des institutions juridiques et religieuses. Mais pour cette société fortement islamisée (composée à 99% de musulmans), les leaders musulmans sont les principaux consultants pour les conseils ou réconciliation des couples ou même  la prononciation de divorce. L’Association Islamique du Niger (AIN), est l’institution la plus consultée en la matière. Dans ce sens, sa vocation principale, c’est surtout la réconciliation des couples.

  Plusieurs personnes trouvées dans  les locaux de cette Association et interrogées par l’Agence Nigérienne de Presse (ANP) attendaient pour voir l’Imam, parmi elles, Fatouma Idé    mariée depuis 27ans  et venue demander  le divorce suite à des accusations dont elle fait objet de la part de son mari, des accusations qu’elle dément.

 Elle raconte : « je me prends en charge moi-même depuis les cinq (5) dernières années et quand je sors de la maison,  à mon retour, mon mari dit que je suis allée me prostituer. Souvent il tente même de  me frapper. Nous sommes mariés, il y a de cela 27 ans, et malgré cette dure  épreuve, je suis quand même restée  près de mes  quatre enfants dont 3 filles déjà mariées. Ça suffit. Je suis ici, pour qu’il me restitue tous mes biens qu’il a pris et je prie le bon Dieu de mettre fin à notre union » ;

Debout à quelques mètres d’elle,  son mari, Nouhou Garba  nous a donné sa version des faits: «  elle sort presque chaque jour vers 16 heures et ne revient qu’au crépuscule sous le prétexte de rendre visite à son amie. Je l’ai interpellée plusieurs fois en lui disant que même si elle ne triche pas, de la manière dont elle sort, on va toujours lui coller l’étiquette d’une tricheuse ». Nouhou Garba estime que  toute femme doit rester sous l’autorité de son mari’’.

Le mari de Fatouma Idé a bien répondu à la convocation de l’Imam à la demande de sa femme, mais sa décision est claire, comme il nous l’a témoigné : « je ne divorcerai pas car j’aime ma femme ».

A côté d’eux,  Idrissa Maïga lui  aussi attentait sur les bancs. Il est venu, lui aussi, répondre à sa belle-mère qui,  selon lui, veut  mettre fin à son mariage.

« Ma femme était rentrée chez elle pour passer la traditionnelle quarantaine après l’accouchement, après les quarante jours, sa mère refuse que ma femme revienne dans son foyer, jusqu’à ce qu’elle l’aurait voulu.  Durant longtemps gardée chez elle, un jour, ses tantes décidèrent de la ramener chez moi. Imaginez un seul instant, si on me reprochait quelque chose,  ces dernières n’allaient pas agir contre la volonté de leur sœur. Aujourd’hui, elle veut mettre fin à  notre mariage parce que je n’ai pas fait ce qu’elle voulait ».

 ‘’  Infidélité ; fausses promesses ou encore l’implication d’autres personnes dans les affaires des couples… sont quelques cas des grandes catégories des causes qui conduisent les mariés  aux divorces’’ selon l’Association islamique du Niger. Les mêmes raisons ont été invoquées par  la Justice du 3ème Arrondissement communal de Niamey.

Madame Amadou Maimouna Abouba, Magistrat, affirme que dans toutes les localités du pays, il est très difficile voire impossible d’avoir des chiffres exacts concernant le divorce et les mariages dans l’espace et dans le temps. Cette difficulté est liée à plusieurs facteurs essentiellement sociaux.  On peut citer, entre autres, la méconnaissance de l’importance de l’enregistrement de ces événements dans les services d’état civil par la grande majorité de la population nigérienne,  l’analphabétisme ; ou encore les choix alternatifs entre les institutions juridiques et leaders religieux pour la prononciation et la validation des  séparations.

Cependant, malgré ces difficultés, des statistiques officielles partielles ont été réalisées.

A titre d’exemple,  en 2010, l’Association Islamique du Niger a prononcé et  enregistré 1063 divorces ; 987 en 2011 ; 766 en 2014 et 766 en 2015.

Du coté de la Justice, les chiffres sont plus révélateurs. D’octobre 2012 à octobre 2013, le Tribunal de Grande Instance de Niamey, a enregistré 828 cas de répudiation et 451 cas de divorces, soit 1279 cas de séparation de couples prononcés.

 A la même période, le  Tribunal d’Instance a enregistré en tout,  1772 séparations (répudiation et  divorces).  Les deux juridictions  ont enregistré 3021 cas durant cette année judiciaire contre seulement 245 cas de mariage enregistrés.

D’octobre 2013 à octobre 2014 ces deux instances de la justice ont enregistré 3621 séparations (divorces et répudiations) contre 605 mariages enregistrés.

Certains cas de divorce, de répudiation et de mariage peuvent se répéter  dans les statistiques de la justice et celles de l’AIN du fait que certaines personnes se forcent à répondre aux exigences religieuses et civiles.

Tous ces chiffres expliquent clairement l’ampleur que prend le phénomène de séparation des couples dans les sociétés nigériennes, un phénomène qui ouvre la voie à plusieurs maux chez les anciens conjoints et même chez leurs progénitures.

Selon Dr Abdrahamane Almoctar, chef de département de sociologie à l’Université de Niamey, le divorce peut avoir des conséquences assez néfastes comme la cassure des liens sociaux.« En Afrique, quand deux personnes se marient, c’est pratiquement les deux familles étendues de ces personnes qui se marient ….  Et avec le divorce, on assiste à une cassure des liens sociaux ».

Autre conséquence, selon lui,  est que chacun des deux conjoints séparés aura une mauvaise étiquette que la société lui collera. Autrement dit l’homme ou la femme peut être victime des préjugés et des questions qui seront posées à propos de lui et éventuellement sera vu comme quelqu’un d’insupportable ou d’insociable ce qui, du coup, peut avoir des difficultés à se remarier à nouveau. Outres ces conséquences relativement sociales, les personnes séparées peuvent faire face à des  difficultés économiques (comme la prise en charge des enfants) et ou psychologiques.

Selon des enquêtes réalisées en France, les enfants des couples divorcés souffrent à plus d’un nivaux.

‘’Les conséquences du divorce chez les enfants sont surtout d’ordre psychologique.

 Les enfants de parents divorcés sont plus perturbés et plus agressifs que les autres enfants.

En effet on remarque qu‘ ils présentent plus de troubles caractériels (violence, fugues…

En faisant cela l‘enfant reproduit l‘agressivité de chacun des parents à l’égard de l‘autre.

 L’enfant se retrouve entre ses deux parents, il est désorienté et a des difficultés d’intégration à l’école. Ainsi que des troubles du comportement suicidaires. Les enfants éprouvent également un sentiment de culpabilité et de honte’’ a conclut l’enquête.

Plus qu’une solution ultime à une crise de couple, le divorce ouvre ainsi la voie à plusieurs maux.

MSB/AMC/DMM/ANP/FEV 2016

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