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Mariage : certains rites  de plus en plus délaissés chez les Zarma-Sonrhaïs (Universitaire)  

Niamey, 25  oct. (ANP)- Des pratiques rituelles de célébration des mariages chez les Zarma-Sonrhaïs meurent à petit feu sous l’influence de la religion musulmane et aussi de l’effet de la modernité, constate Dr Saley Boubé Bali,   Enseignant-chercheur à l’Université de Zinder et Directeur Général des instituts des Arts et Culture.

Parlant du mariage traditionnel chez cette communauté, l’universitaire note que c’est ‘’un rite de passage important au cours duquel une jeune fille acquiert le statut envié d'épouse. Mais il lui faut aussi quitter son groupe d'amies célibataires et sa famille, les chants sont alors un moyen d'exprimer la douleur de cette séparation’’.

Selon lui « un rituel par définition, c’est quelque chose qui est reconnu par la société qui est reconnu comme une valeur qui se répète dans le temps, c’est-à-dire chaque génération qui arrive à ce niveau doit répéter le  même geste, les mêmes considérations pour pérenniser, pour valoriser et consolider l’unité du groupe ».

Par ailleurs, note-t-il, les Zarma-Songhaïs ont plusieurs sortes de rituels dans la célébration des mariages. Il cite, entre autres, le ‘’DOUGOU-DOURYAN’’ ou le pilage de l’encens. Cette pratique consiste pour la jeune mariée de piler de l’encens dans le mortier. Lors du pilage, le parfum qui se dégage appelle éventuellement les esprits à se manifester si la fille est possédée.

Si elle est possédée, « tous les esprits viennent se déclarer, et dire au mari et à sa famille que voilà, vous avez épousé une telle et elle est accompagnée soit par un esprit familial qui protège la famille ou bien les génies secondaires qui la possèdent  spontanément ».

Toujours au nombre de rituels liés aux mariages, il cite ‘’la danse de virginité’’. Cette pratique se fait généralement avant le scellage du mariage.

A travers cette danse, la fille qui s’apprête au mariage doit prouver qu’elle est vierge. La virginité chez une fille qui se marie est synonyme de ‘’dignité, de fierté et d’une bonne éducation reçue’’, souligne-t-on.

Selon cet acteur culturel,  chez les Zarma-Songhaïs ‘’c’est un honneur que la fille montre qu’elle a reçu  une bonne éducation de sa famille. C’est donc un  honneur qu’elle fait à ses parents de se marier étant vierge’’.

Si le test est concluant,  « la mère de la fille  invite les femmes du quartier pour manifester sa joie à travers des danses », indique l’enseignant de culture à l’Université de Zinder.

Saley Boubé Bali constate que, ‘’de nos jours la disparition des pratiques ancestrales de la célébration du mariage continue dans toutes les sociétés nigériennes, de façon générale, et chez les Zarma-Songhaïs de façon particulière.

 Il évoque plusieurs raisons conduisant à l’extinction de cet héritage, dont les principales sont, selon lui, « l’influence de la religion » et le mode de vie « urbaine » à laquelle les gens aspirent de plus en plus.

‘’Ce qui se passe à Niamey, c’est une synthèse presque de toutes les formes de mariage du Niger qu’on appelle le ‘’SOUDJI’’, c’est surtout l’influence des gens qui se déplacent, qui s’adaptent à l’évolution de la société, et ça fait que c’est dynamique et c’est normal’’ professe-t-il.

« Quand une fille  Zarma se marie à Niamey, des chants sont émis lors de la veillée chez la fiancée. Durant toute la soirée, la future épouse reste enfermée dans sa chambre, tandis que la cour familiale, bondée de monde, résonne de voix de griottes » explique Dr Bali.

 Ce temps festif qui précède la cérémonie religieuse est destiné aux femmes mariées, plus précisément à toutes celles qui sont en position de « mère » par rapport à la jeune mariée. Y assistent également des jeunes filles et des garçons célibataires, pour lesquels cela peut être une occasion de rencontres. Les chants alternent les parties en solo et les reprises par le chœur ou par une autre griotte » a-t-il  fait savoir.

‘’Ils incitent aux dons en invitant les femmes à être dignes de leurs prestigieux ancêtres, tout en suscitant les danses : les mères se lèvent pour danser quand on les interpelle et terminent leur performance en collant des billets sur le front en sueur de la chanteuse. L’ensemble se doit d’être réussi dans la mesure où le succès de cette soirée est censé augurer la bonne marche du mariage lui-même’’.

Du côté du marié, dans l’exemple présenté et comme c’est souvent le cas aujourd’hui, ‘’la soirée se passe plus simplement, entre jeunes hommes, à fêter l’événement autour d’un bon repas et avec de la musique d’ambiance. 

Dans la nuit, la mariée reste, cependant, bien cachée sous sa couverture, attendant qu’on l’emmène dans la chambre nuptiale précédemment bénie par un marabout. Quant au marié, il est également lavé et parfumé. Il reçoit, avec un grigri protecteur, des conseils d’aînés qu’il devra suivre pour honorer son épouse dès la première nuit, puis il est, à son tour, conduit à la chambre nuptiale sous une couverture portée en dais. Assis près de sa future femme, il doit à nouveau payer pour qu’elle découvre son visage et qu’elle accepte de lui parler.

C’est à ce moment que, dans les familles prestigieuses, les griots généalogistes viennent proclamer des appels d’ancêtres et raconter des récits. En mettant en rivalité les membres des familles présentes dans la chambre, chacun est invité, encore une fois, à se montrer généreux.  

Ce qui marque le début du rituel de mariage, et aussi qui se joue lors des unions dans cette société islamisée : argent et autres richesses y circulent en nombre. Le coût d’un mariage est en effet assez impressionnant. La compensation matrimoniale elle-même, bien qu’officiellement limitée à 50 000 Francs CFA.

 Le futur époux, dès ses premières visites de courtoisie dans la maison de sa promise, des billets sont glissés sous une natte, des cadeaux sont donnés – pagnes, sucre, argent pour se coiffer – à la jeune fille comme à sa famille. Le mariage semble être une véritable transaction financière, aspect renforcé aujourd’hui, lors de l’établissement des fiançailles, par une délégation menée par un des oncles paternels du prétendant, du fait du remplacement des anciens dons de bétail et d’esclaves par de grosses sommes d’argent.

En Zarma-Songhai, En plus des paroles religieuses et des bénédictions, cet épisode du rituel comprend des appels d’ancêtres et des éloges adressés aux membres des deux familles et aux notables présents, comme ici celui destiné à la sœur d’un chef de canton, femme plantureuse louée là encore pour sa générosité envers les griots, manière pour eux d’inviter chacun à ne pas être avare en ce jour de fête.

L’enseignant chercheur, ajoute qu’il y’a le mariage de polygamie qu’on appelle ‘’MARCANDA’’. Au moment du remariage d’un homme, on observe un rituel spécifique appelé  le ‘’MARCANDA’’ que l’époux offre à celle de ses femmes qui perd son rang de dernière épousée. Les femmes mariées s’y retrouvent après la bénédiction du mariage, pour s’affronter de manière essentiellement ludique bien qu’il puisse y avoir des tensions.

C’est pour elles un moyen d’exprimer leurs émotions face à une situation qui leur est imposée et sur laquelle elles n’ont pas de prise.

‘’Mais ces chants ne possèdent pas qu’une fonction cathartique ; ils expriment parfois, comme nous le verrons, une forme de contestation des normes sociales en vigueur’’ a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le mariage se célèbre aujourd’hui au Niger à des coûts très élevés, parce que tout dépend de l’appartenance ethnique ou de la culture de la personne, mais dans le temps, la dot n’était pas aussi chère car c’était juste un symbole de demande d’union.

La somme de 50.000 FCFA était plus élevée, certains garçons donnaient en guise de dot, un champ ou la récolte d’une saison à la future mariée et sa famille,

‘’Chez les Zarma-Songhais, c’est le père du garçon qui offre la dot, même si celui-ci a plus d’argent, parce que chez eux c’est une honte que le garçon enlève la dot pour son premier mariage’’ a déclaré Dr Saley Boube Bali.

Le mariage était toujours cher chez les Zarma, ‘’il y’a ceux qu’on appelle le « CE-DAN-WINDI » qui veut dire le premier pas.

‘’Au moment où le père donne la dot, toutes les autres dépenses reviennent aux amis d’honneur, ils font des cotisations pour sauver l’honneur de leur ami, mais oser dire qu’on va restaurer l’ancien coutume, y’aura plus de dégâts que de réparation’’, a-t-il fait savoir.

‘’Les bijoux traditionnels n’existent plus, les anciennes calebasses qu’on met pour décorer la chambre n’existent plus maintenant, et c’est normal parce que une société vit avec les besoins du moment’’ a-t-il soutenu.

Concernant les tisserands, ‘’avant, dans les villages, il n’y avait qu’un seul boubou et son bonnet que tout homme qui se marie porte, c’est ce boubou là qu’il va porter, mais aujourd’hui, tout ceci a changé avec le temps, parce que maintenant tu vas trouver le mari avec plusieurs tenues et la mariée également’’,  a conclu Boubé Bali.

HA/AS/ANP 0168 octobre 2021